MEME LES MOUETTES DANSENT - danser

Publié le par Poésie et photographie - site d'Enciel



        MEME LES MOUETTES DANSENT


                                       danser, panser 


  

                                              Danser


Le bateau aux voiles rouges

      Je suis une vanesse du chardon 

      Amères amazones
La lune ma mère
Mailles de filet 

 



 

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                    Le bateau aux voiles rouges

 

So we found the end of our journey
So we stood, alive in the river of light,
Among the creatures of light, creatures of light.
 


La traversée vers le nouveau monde flottant arrive,

Je suis la voyageuse des flots et des chemins liquides.
Des salamandres circulent dans les valses d'eau saumâtre, 
Elles vont saliniser les eaux douces avec leurs viscères.


Ma barque remonte les rivages, les virages du monde.

Sur toutes les eaux, mon visage se forme et se reforme,

Et dans chaque port, je découvre des carpes argentées

Qui m'escortent vers les floraisons d'éternité.

 

Je déferle et des perles d'eau

Se perdent dans mon sillage,
Des fils de rubans de calcaire.
Je me barre dès que je fais face aux barrages,
Les perches soleil en font de même.

 

 

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Autour de ma coque, orchestre chaleureux,
Des mouettes jouent de la flûte traversière,
Je suis comme un poisson dans l'eau.

Plantons du plancton sur les marées noires,
Quand l'homme crache du mazout de sa gueule.
C'est cette bouillabaisse qui me donne le mal de mer.

Et gonflées de force, mes voiles avancent plus vite,
Je chante en mille langues dans mon canot de fortune,
Mes voiles rouges inondent l'eau devenue auréole.

Les roseaux protègent mon arche qui ne peut plus chavirer.

Aidée par des myriades de papillons cuivrés des marais,

Ma barque explore les terres souterraines

Et glisse par delà l'indigo des nuages bergers.

C'est la grande transhumance.

Le bateau aux voiles rouges (1)

Emmitouflée de rossignols chanteurs concertant,
Ma robe rouge prend le vent en otage consentant,

Et je traverse les régions de toutes vos enfances,
Mon langage frais comme un gardon.

 

Guidée par les nuées de poissons lunes tombés des nues,

Je navigue, anguille sous roche, à l'orée des rivières.

 

Le ruisseau de mes veines imite les voiles rouges

De mon bateau pèlerin loin des méduses sournoises,

Loin, bien loin de toutes les gorgones siamoises.


Le bateau aux voiles rouges (8)

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Et je tire sur des cordes afin de tisser des horizons,
Les hommes ne pourront plus se pendre. 

Tout se mêle au soleil couchant qui pleure des dahlias rouges,
Au centre des cénotaphes de cétacés. 


Je plonge loin de ma barque et je ramène à la surface

Des pétales d’eau

Plus magenta que les voyages de Magellan.

Mage ailé. Nuages de Magellan. Détroit de Magellan.
Grande île de Terre de Feu.
Images, élans.

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Le bateau aux voiles rouges (9) 

Je sens remonter en moi des saumons courageux,
Ils sont nés en eau douce et vont vers la mer,
Ils me racontent la vie sous-marine.
En nageant, ils passent du sucre au sel sans attendre.
Ils parcourent des milliers de kilomètres
Et je ris de voir ma barque filer à vive allure.

Je remonte des ruisseaux et ma robe ruisselle,
Le voyage c'est grandir sans perdre l'enfance.
Les saumons rouges sautent dans mes mains,
Et des alevins naissent contre moi,
Dès que je pleure ils dégringolent de mes yeux.
Il parait que des statues pleurent du sang aussi,
C'est cela le miracle.

A-la-Mar-chale--34-.jpgLe bateau aux voiles rouges (15) 
Me voilà lancée vers des fjords qui se courbent,
Les voiles rouges de mon bateau saluent les sternes.
Des traces amarante, des lignes carmin,
Mes cordes accrochent les oeufs des poissons
Et je sème des bulles vermillon partout.

Les derniers papillons s'éparpillent en halo alezan,
Haletante, je sens la fin du voyage.
Vous comprenez la couleur de notre sang?
Vous comprenez maintenant ce qui coule en nos veines?
Un sang chargé de tous nos voyages rouges.

Rouge notre sang, rouge notre intérieur,
Rouge notre sève, rouge notre fluide,
Rouge notre rivière et ses saumons
Vers le sucre de notre enfance
Vers le sel de toutes nos larmes.


Le bateau aux voiles rouges (16)

* Citation extraite du poème de Ted Hughes That Morning, in River ( Faber 1983).
* Le papillon cuivré des marais, pour le voir cliquer ici.
* La perche soleil, pour la voir cliquer ici.
* Cénotaphe = monument élevé à la mémoire d'une personne qui ne contient pas de corps.
* Magellan, navigateur et explorateur portugais. Les nuages de Magellan sont deux galaxies naines irrégulières qui orbitent autour de la Voie Lactée. À l'œil nu, ils ressemblent à de petits morceaux qui se seraient séparés de la Voie Lactée. Le Détroit de Magellan est un passage maritime situé au sud de l'Amérique du Sud. L'Isla Grande de Tierra del Fuego (« Grande Île de Terre de Feu » en espagnol) est une île proche de l'extrémité sud de l'Amérique du Sud dont elle est séparée par le Détroit de Magellan.


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Je suis une vanesse du chardon 

 


Au crépuscule je suis devenue vanesse,

Papillon ailé aux fines écailles rouges,

Sortie de ma chrysalide liquide,

Et mon cocon s'est déployé en lac immense.

 

Étourdie et légère, j'émerge lentement,
Mes ailes membraneuses sont froissées.

Sous l'eau, des chenilles flambent et fondent,
Et la soie se tisse en glissant sur mes jambes.
Imago. Image d'eau. Imaginaire. Imaginale.

Je ne fane pas sous mes phanères fardées,
C'est l'heure de ma nymphose,
Ma sortie du tombeau.
L'obsidienne.

Au Lac d' Hourtin (31)Au Lac d' Hourtin (27)
Minute papillon, j'ai tant de rêves à vivre,
Et je vis ma naissance lumineuse ce soir.
Je voulais voir le visage de celui qui se cachait
Mais une goutte d'huile viendra tout éteindre.

Une flamme a embrasé la poudre de mes ailes
Et mon âme devient feu et eau tour à tour.
Je pleure son absence. 
Recrachée par le lac.

J'ai trié des graines avec des fourmis sur des rives,
J'ai caressé la laine des moutons grâce aux roseaux,
J'ai porté l'eau du styx face aux dragons,
Légère sur l'aigle royal, moi la vanesse.
Je suis ranimée par le souffle.

Dans mes yeux émus, des argus papillonnent,
Des milliers d'apollons jade jaillissent,
Des phalènes papaye m’envahissent,
Des bombyx électriques bombardent le soleil,
J'enveloppe des machaons ocre dans mes bras,
Des saturnies saturent l'eau du lac ceinturé de pollen.

Au Lac d' Hourtin (26)Au Lac d' Hourtin (30) 
Au bout de mes doigts, des paons, des sphinx,
Des uranies granit s'envolent à chaque exhalaison commune.

Je souffle alors sur mes doigts et le vent les parfume,
Je sens le jasmin mêlé au soleil aquatique, 
Je ne sais plus où sont mes limites
Quand la ligne d’horizon se confond avec les miennes.

Le paradis se tisse sous le lac de lumière,
Dans l’onde satinée je couds mes ailes de lin.

Le soleil dépose sa poudre sur mes fils de soie
Et son reflet sur le lac m'épouse avec plénitude,
Mon visage s'ouvre alors comme les équinoxes.

Je me sens vanesse vanille sous sa lumière,
Et dans ce liquide amniotique je nais,
Fidèle à la femme que je deviens.
Psyché.

 

Au Lac d' Hourtin (25)


* Une vanesse de chardon est un papillon aussi nommé Belle Dame, pour le voir cliquer ici.
 Le terme d’imago désigne le stade final du développement d'un insecte, ayant effectué sa métamorphose. L'imago est souvent caractérisé par le développement des ailes.
La mue qui aboutit à l'imago est dite imaginale.
* Les phanères sont des productions de l'épiderme, contenant de la kératine. Ici dans les écailles.
* Nymphose - phase de la métamorphose au cours de laquelle une larve d'insecte se transforme en nymphe.
* L'obsidienne est une roche volcanique. Elle incarne le feu du centre.
* Pour comprendre ce poème, il faut découvrir la figure de Psyché, cliquer ici.




Le Chateau Lagrange poésie
 

                            Amères amazones

   

Guerrière aux yeux en amante,

Je garde des coquelicots assoiffés à la main,

Flèches rouges jetées illico amples et ambre

Que je décoche amèrement, amoureusement

Et que je taille dans les amandiers.

 

Nourrie d'ambroisie depuis toujours, je cours

Chaque matin au pied des arbres.

Je glisse sur les lianes de lierre et les ancolies

Sans ambages, sans ombrage.

 

À mes ennemis, je demande l'aman.

À mes ennemis, je demande l'amen. J'amadoue mon alter ego assoupi
Et j'attache des astres à ses yeux attendris.


Le Chateau Lagrange (1)Le Chateau Lagrange (2)

 

Les guerrières sont de la race altière,

Altesses ambiguës et ambitieuses.

Nous amenons et ameutons le monde,

Ses nuages amidonnés et ses arbres amphibiens

Sans armure, sans anathème.

 

Le lierre me sert d'amulette contre l'angoisse,

J'appartiens à votre royaume rare mes amies amazones,

L'ampleur de nos attitudes andalouses,

Androgynes et audacieuses attire les foudres.

 

Habillées de couleurs augurales,

Nous imitons le feu qui s'ancre en nous,

Des anémones aux yeux, nous sommes auréolées d'or.

 

Le Chateau Lagrange (7)Le Chateau Lagrange (10)

  

J'ai la peau angora, les os anguleux,
L'âme animale et le cœur animiste.

J'ai trouvé l'anneau de jeunesse sous des racines

Que je porte chaque année à mes poignets.

 

Anonymes, nous nous amarrons dans chaque port.

Anormales, nous annulons la mort amanite.

Et nous courons dans tous les sens apaisées,

Nos centaines d'antennes tendues vers le ciel d'antan.


Nous anticipons le monde de tous les antipodes,

Nous pleurons souvent apeurées et aphones,

Quand nos enfants sont en apnée et sans aplomb.


Le Chateau Lagrange (13)Le Chateau Lagrange (14)

 

Nous sommes les guerrières aux coquelicots,
Amazones, modernes Ophélie, pauvres aphélies,
Nous luttons amoureusement chaque jour
Pour aplanir les abysses arachnides 
Et recréer l'apothéose de nos arabesques
Et lancer nos enfants élancés en apesanteur.

Nous apprenons à redevenir les apôtres,
À approfondir notre aura encore âpre.
Nous sommes les arborescences du monde,
Avec nos arbalètes arc-boutées,
Avec nos regards, archipels ardents,
Avec nos cheveux, aurélies oranges,
Avec nos dos argileux et argentés.

Aériennes, arlequines et sans armes,
Sans arrogance.


Le Chateau Lagrange (3)Le Chateau Lagrange (4)

On nous appelle celles qui n'ont pas de seins
Mais nous avons allaité des centaines d'enfants
Dans le secret des grottes que nous offraient les séquoias.
Nous ne tuons pas nos enfants masculins sachez le,
Nous les rendons sensibles et ils apprennent à pleurer.

Certaines d'entre nous ont coupé leur sein droit
Pour décocher leur flèche et laisser la place à l'arc,
L'arc-en-ciel qui tue le gibier pour nourrir le peuple.
Elles sont belles malgré leur maladie.

J'ai des grelots aux pieds quand je pars à la chasse
Je fais danser les grives comme Diane me l'a appris.
Je suis cavalière, mon cheval est fougueux
Et je suis fugueuse.

  


Le Chateau Lagrange (16)
Le Chateau Lagrange (6)

Nous sommes avec mes sœurs des athlètes esthètes,
Quand nous dénudons nos épaules féminines,
Notre musculature laisse deviner les heures de course
Et les batailles dans la forêt et sa gueule verdoyante.

Nous sommes les filles de la nymphe Harmonie,
Les chasseresses sur des échasses de lierre,
Et nous courons aussi vite que les panthères noires.

Je hurle, je n'ai pas tué ma sœur,
Je casse mes flèches, je pulvérise mon arc,
Je m'arrache le sein, je la couvre de mon sang,
Je lâche mes coquelicots sur son corps démuni,
Je n'ai plus d'ambroisie pour la conserver,
Je me présente amazone déchue mais vaillante:
Penthésilée.

Le Chateau Lagrange (9)Le Chateau Lagrange (8)

* Ambroisie: nourriture divine dans la mythologie grecque.
* Sans ambages - sans détour.
* Demander l'aman - demander la paix.
* Anathème - réprobation générale, mise à l'index, d'
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